P1060632Cela faisait maintenant 10 jours que j'étais en Bolivie, le temps de découvrir La Paz, la paix en français, drôle de nom pour la capitale bolivienne où règne un bordel incessant. Faudrait-il donc nommer les villes par l'inverse de ce que nous évoquent leurs rues et leurs habitants ? Je vous laisse relire ce concept, je suis certain que ce n'est pas clair pour tout le monde (oui je connais certains des lecteurs). Paris s'appellerait ainsi "la Courtoise" ou "la Modeste", Brest "la Sèche", Marseille "la Discrète" ou encore Monaco.... "la Pouilleuse"... La Paz est une ville, disons, essoufflante. Capitale la plus haute du monde, perchée à 3660 m, ça monte, ça descend, un trafic continu, des cholitas (la bolivienne à nattes) et leurs stands de toutes sortes à tous les coins de rues, l'agitation ne vous lâche jamais. L'un des endroits les plus fameux : le marché aux sorcières ! On peut y acheter une foultitude d'herbes, de plantes, d'écorces, de potions, des crapauds et des foetus de lamas séchés (ah ben ça va, si c'est sec !) pour se soigner, préparer des filtres d'amour, jeter des sorts, faire revenir la chance... ou la vigueur évidemment. Pour info, le foetus séché est utilisé en général comme don à la Pachamama, la déesse-terre. Ainsi lors de la construction d'une maison, il est de bon ton d'enterrer sous les fondations un foetus de lama séché (nous parlons bien de l'animal) pour garantir le bien-être de toute la maisonnée. 

Après la découverte de La Paz et de son effervescence, un passage éclair à Sucre (ville coloniale belle comme... comme... ben belle comme une ville coloniale), ce fut direction le Far-West, enfin je veux dire Tupiza, au Sud-Ouest de la Bolivie. Des Terres rouges et arides où il n'y a pas de loi, des canyons, des cactus, une plongée directe dans les westerns de John Ford et de Sergio Léone, en compagnie de Butch Cassidy et Sundance Le kid qui traînèrent réellement leurs éperons et leurs Stetsons jusqu'ici. Cassidy fut même, paraît-il, refroidi dans les parages suite à un pillage. Tupiza c'est également le point de départ possible pour une excursion vers le légendaire Salar d'Uyuni, le plus grand désert salé du monde. Durant 4 jours, en 4X4, une suite de paysages incroyables, des ruines, des déserts, des lagunes bleues, rouges, noires, des geysers, des formations rocheuses étonnantes, et pour finir un lever de soleil sur le Salar d'Uyuni, presque irréel. Des paysages époustouflants et inconnus, et le sentiment de vraiment découvrir quelque chose de nouveau. Mais cette excursion a vu un drame.... ou enfin plusieurs : un retard de 3h le jour du départ et une panne le 3ème jour entraînant une attente de 6h dans un désert, le temps pour les chauffeurs de trouver un village et éventuellement une pièce de rechange. Nous avions de la nourriture, une cuisinière, il y avait pas mal de passage, le temps était clément... Il ne manquait rien, juste un peu de patience chez certains. Les réactions n'ont pas tardé : "C'est dingue cette organisation ", "Franchement ils se foutent de nous", "Ils promettent toujours puis rien...", "Non, s'ils ne peuvent pas le faire qu'ils le disent...", "Et puis avec eux faut toujours négocier... Vous avez payé combien vous ?... C'est pas vrai ? T'as vu ils ont payé moins que nous", "Et une panne de roulements ça ne peut pas se prévoir ?", "Non, mais là... ça va pas se passer comme ça...", "Et tu as vu leur attitude ?", "Ah ben Merci, bienvenue en Bolivie", etc, etc... Près d'une journée à rabâcher, à répéter, à déblatérer, à radoter, à accuser et à faire monter la pression en guise d'attente... Je suis en Bolivie, dans le Sud Lipez, un endroit riche de paysages hors-du-commun, je suis sur la route qui mène vers le légendaire Salar d'Uyuni et sa blancheur éclatante, et me voilà confronté à un triste constat : tous ces pauvres jugements sont l'oeuvre de compatriotes... encore. Et oui la Bolivie n'est pas la France, ce n'est pas un pays où l'on pond des normes ISO à toutes les sauces, c'est un pays où le salaire mensuel d'un guide est moins élevé que le prix d'une excursion de 4 jours, c'est un pays où les gens se débrouillent comme ils peuvent, c'est un pays qui demande un peu de retenu, d'humilité, de patience, de goût pour l'improvisation, c'est surtout un pays qui n'est pas le nôtre et où l'on devrait éviter de vouloir donner des leçons... un pays où une panne d'automobile ne se prévoit pas... comme en France. Dans ces décors de western, longtemps j'ai espéré une attaque de sioux ou d'apaches, une charge de bisons, un assaut de la cavalerie, ou un ultime pillage de Butch Cassidy et Le Kid, cela aurait pu ramener un peu de silence et de paix. Mais rien n'est arrrivé... juste les chauffeurs et un roulement neuf... Les paysages, eux, étaient toujours là, insensibles aux gémissements. Rien ne fut gâché...

 

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